- Mouais... Cette campagne me laisse comme un goût d'inachevé.
- Ah, c'est marrant, moi c'est le contraire...
- Pff... Comment peux-tu faire de l'humour en un moment pareil ? Je ne te parle pas de ces deux cadavres qu'on enterre en grande pompe, là sous les murs de Naples. Mais j'ai comme l'impression qu'une fois encore, notre sacrifice aura été vain.
- Allons, c'était pourtant une belle mort, d'être percé d'un carreau à l'instant où nos troupes franchissaient les murailles. Songe plutôt à moi, agonisant dans ma tente, victime de ce siège trop long, de ces marais malsains.
- Certes... Encore que j'eusse aimé vivre encore un peu, pour voir si cette fois encore, nous n'avons pas conquis un pays pour ne garder qu'une ville.
- Un pays, un pays... C'est vite dit. Certes, les Espagnols n'ont guère eu de peine à occuper les plaines de Calabre, défendues par trois paysans et deux coupe-jarrets. Mais tout de même, une fois sorti de Naples, ce sont eux qui tiennent le plat pays, désormais.
- Mouais... Tout de même, je voyais ça différemment, les campagnes d'Italie. Plus chevaleresque...
- Tu parles de ces milliers de Savoyards qu'on a envoyé crever sous les canons du roi de Sicile... Ma foi, si ces Italiens sont assez bêtes pour se battre entre eux, c'est leur problème. Au moins pouvons nous affirmer avoir vécu notre vie toute entière au service de notre Roy.
- Enfin, Sa Majesté a l'air lasse de la guerre. Probable que nos hommes seront bientôt de retour dans leurs foyers... J'aimerais bien être enterré dans mon Béarn natal, plutôt que sous ce ciel sans nuage, au milieu de ces terres stériles.
- Heureux qui comme Ulysse...
- Hein ?
- Laisse tomber. Oui, eh bien il semble qu'en effet, on lève le camp dans les jours à venir. Ces vautours de diplomates ont sans doute déjà vendu notre conquête contre trois arpents de terre en Artois. Contre une province qui revenait déjà de droit à la couronne... Faudra-t-il donc que les gens de plume toujours ainis défassent l'oeuvre des gens d'épée ?
- Bah... Peu importe, désormais. On a bien mérité du Walhalla. Viens donc prendre une bière, c'est St Seb' qui paie sa tournée.
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?